Interview de Masashi Kudo, de la théorie à la pratique

par Bruno de la Cruz,
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Animateur et surtout chara-designer reconnu par le grand public depuis son rôle sur l'adaptation anime de Bleach, Masashi Kudo passe désormais par la case difficile de la réalisation avec Chain Chronicle. À l'occasion du salon Paris Manga de février 2017, l'artiste est revenu sur cette expérience. Avec le sourire, évidemment.

Le projet Chain Chronicle trouve sa source dans un jeu vidéo de chez SEGA. Comment s'est montée sa version anime ?

Masashi Kudo : "C'est Telecom Animation Film, qui est relié à TMS, une filiale de Sega Sammy, qui m'a contacté par l'intermédiaire d'un producteur, M. Kinugawa. Nous nous étions rencontrés lorsque j'étais au Studio Pierrot, donc c'est un homme qui me connaît bien, je n'ai pas eu à passer des tests (il sourit) ".

Après une courte expérience à la réalisation sur la web-série Kyô no Asuka Show et Hayate no Gotoku!!, c'est un défi plus grand qui vous est présenté avec Chain Chronicle. Comment l'avez-vous abordé ?

M.K : "Il se trouve d'abord que l'assistant réalisateur qui était prévu, l'animateur Hirokazu Hanai, était un artiste que je connaissais depuis les débuts de ma formation. Donc c'était très réconfortant, et amusant, d'être entouré de personnes que je connaissais. Ensuite, plus le défi est important, plus ma motivation grimpe".

Est-ce que vous avez pu choisir le reste des équipiers travaillant avec vous ?

M.K : "Ca, cela se fait en concertation avec le producteur : il y a des artistes comme Midori Yamamoto que j'ai connue sur Ikki-Tousen, ou Hiroaki Karasu sur MAOYU, que j'ai pu rattacher au projet. L'idée c'est de se connaître pour bien avancer. C'est plus facile !".



Vous avez côtoyé plusieurs grands réalisateurs : Noriyuki Abe (GTO), Yoshiyuki Tomino (Gundam), mais aussi Noboru Ishiguro (Astro Boy, Megazone 23) dont vous êtes fan. Qu'avez-vous appris puis mis en pratique ?

M.K : " J'ai gardé quelque chose de tous ces grands messieurs, mais c'est vrai que M. Ishiguro est quelque part mon maître puisque j'ai commencé sous sa supervision, avec l'OAV KI*ME*RA au sein de son studio d'Artland (avec la participation de J.C. Staff) en 1999. J'ai beaucoup appris grâce à lui, sur la façon de mettre des effets, la mise en scène, le degrés d'exigences… Il sait tout faire !"

Chain Chronicle est aussi un anime nourri d'images 3D. Êtes-vous intervenu sur son application ? Y avait-il un staff spécialement dédié à son utilisation ?

M.K : "Je ne pouvais pas tout gérer seul (rires !), alors M. Kanae s'est occupé très souvent de la partie numérique, en supervisant le travail de la modélisation et des animateurs. Pour autant, je me suis occupé de tous les story-boards de la série".

Comment êtes-vous dans votre mode de management ? Êtes-vous un réalisateur à poigne ou plutôt patte molle ?

M.K : "On dit que je suis assez exigeant, mais je ne crie jamais ou ne me met en colère. Mon rôle commande à être assez attentif au travail de tous les maillons de la chaîne, c'est un poste à responsabilité. Par exemple, étant donné que je gère aussi le chara-design, je vais être pointilleux sur l'apparence des rendus 3D, car le résultat n'est pas le même qu'un rendu 2D, donc je vais intervenir pour rééquilibrer les détails".

Justement, le chara-design est très chargé, avec des épées, des boucliers, etc. L'utilisation de la 3D vous a-t-elle soulagé à ce niveau ?

M.K : "Exactement ! Il y a des idées qui sont très lourdes à mettre en pratique avec l'animation traditionnelle. Avec la 3D, on peut aisément s'amuser avec la caméra, pour amener du punch sur les scènes d'action notamment... Dans ce sens, je suis assez intéressé par le travail du réalisateur Kenji Tanigaki, notamment sur le film live Kenshin (voir AL°210). J'ai essayé de m'inspirer de ce genre d'action, très immersive, pour l'anime Chain Chronicle".

Sega étant derrière le projet, avez-vous eu des modifications à faire ? Ou au contraire, avez-vous pu placer une de vos idées propres dans cette adaptation ?

M.K : "SEGA a juste apporté quelques réglages. C'était assez minimaliste, cela pouvait concerner une nuance de couleur par-i, un effet par-là, si cela ne collait pas trop avec l'esprit du jeu. Me concernant, toute la partie culturelle m'a fasciné. Je me suis servi des architecture des 12e et 14e siècles de plusieurs pays pour gonfler l'impact des décors. J'ai fait pas mal de recherches, sur les végétaux, sur Paris aussi... Je me suis alors servi de mon expérience auprès de la personne qui s'occupait de ce poste sur MAOYU pour la réutiliser ici et apporter une plus-value par rapport au jeu".

En France, on connaît assez peu le studio Graphinica. Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?

M.K : " C'est un studio très complet, bien équipé, bien agencé et assez grand. Il est surtout connu au Japon pour l'anime Girls und Panzer (2012)".

Avez-vous usé de la motion capture pour chorégraphier les combats ?

M.K : "Tout ce qui va concerner les mobs – c'est-à-dire le personnage random, sans nom, souvent dans au 2e et 3e plan – nous nous sommes servi de la motion capture. Pour le reste, non".

On nous le dit de plus en plus, les projets anime affluent, mais les animateurs manquent. Quel regard vous portez sur la situation ?

M.K : " La pénurie de main d'œuvre continue d'être observée, c'est une certitude. Comme je dis toujours, si vous arrivez à vaincre la barrière de la langue, vous êtes les bienvenus (rires) !".

Cette urgence vous donne-t-elle le temps de former les talents de demain ?

M.K : "Oui, la formation reste quotidienne, cela ne change pas, c'est nécessaire".

Pour finir, avec quel artiste voudriez-vous collaborer ?

M.K : "Oula, difficile d'y répondre, il y en a tellement ! (Il réfléchit)... Je dirais quand même Daisuke Nishio (réalisateur principal des anime Dragon Ball/Z)".

Remerciements appuyés à Andy Oulebsir pour la traduction, M. Masashi Kudô pour sa gentillesse, Emmanuel Bochew son agent et Paris Manga qui ont rendu cette interview possible.


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