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L'agence Johnny's met en place un système de mesures de préventions en réponse aux abus de son fondateur

posté à par Alex Mateo
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L'article ci-dessous traite d'abus sexuels sur mineurs.


Johnny & Associates a annoncé aujourd'hui, en réponse à la confession faite par son ancienne présidente Julie Keiko Fujishima, selon laquelle le défunt fondateur de l'agence, Johnny Kitagawa, avait abusé sexuellement d'un grand nombre d'adolescents aspirants à la pop star entre les années 1970 et 2010, la mise en place des mesures suivantes pour compenser les dommages causés et prévenir leur récidive. L'entreprise mettra en place un comité de secours aux victimes dirigé par trois anciens juges, lancera un système de demande d'indemnisation, nommera un Agent Responsable de la Conformité qui aura pour fonction de mettre en œuvre les politiques fondamentales en matière de droits de l'homme, d'implémenter et améliore une formation aux droits de l'homme, aux agressions et au harcèlement sexuels, et d'établir une structure organisationnelle garantissant un suivi approprié et continuer d'entretenir un dialogue continu avec les médias et les individus concernés par ce sujet. La société a déclaré que pour l'année prochaine, « tous les cachets de représentation pour les publicités et les apparitions dans des programmes seront directement versés aux talents » et qu'elle « ne recevra pas de rémunération en tant que société de production de divertissement ». Johnny's a également présenté ses excuses aux victimes.

Sur une même note, McDonald's Japan a annoncé ne pas renouveler ses contrats avec l'agence, s'appuyant sur leur politique de tolérance-0 concernant les violations des droits humains. D'autres sociétés se sont similairement dissociés de l'agence, notamment Nissan, Kirin, SUNTORY, Tokio Marine & Nichido Fire, Japan Airlines, et Asahi. Mos Burger continuera d'appeler l'agence pour ses publicités.

Fujishima a quitté ses fonctions jeudi dernier après avoir admis publiquement, pour la première fois, que Johnny Kitagawa, avait abusé de nombreux adolescents rêvant de devenir des popstars, entre les années 1970 et 2010. Ele indiquait alors qu'elle restait directrice représentante afin de s'assurer que les victimes soient dédommagées. La femme d'affaire détient 100 % des actions de l'agence, mais a déclaré qu'elle discuterait de sa participation avec la nouvelle direction. Le vice-président de l'agence a également démissionné.

Le nouveau président de l'agence sera Noriyuki Higashiyama, qui est acteur, chanteur et une personnalité TV. Il est le membre de l'agence le plus âgé à être encore actif. Il a cependant lui aussi été accusé d'avoir agressé de jeunes garçons. Interrogé sur ces allégations, il a répondu qu'il ne se souvenait pas si les actes signalés avaient eu lieu ou non. Concernant les allégations selon lesquelles il aurait intimidé de jeunes artistes, il a déclaré qu'il était « possible qu'il ait été plus strict avec eux » et qu'il aurait pu faire, lorsqu'il était plus jeune, des choses qu'il ne ferait pas maintenant. Il a également admis qu'il avait entendu parler des rumeurs concernant Kitagawa, mais a déclaré qu'il ne pouvait et n'avait rien fait à ce sujet. Higashiyama prendra sa retraite, pour sa carrière d'acteur, vers la fin de cette année. Higashiyama a déclaré que l'entreprise ne changerait pas de nom, ajoutant que plus que le nom représentant le fondateur, il « exprime de manière plus importante l'énergie et la fierté que les talents ont cultivées au fil des années ».

Une investigation externe mise en place fin mai pour enquêter sur Kitagawa a conclu, fin août, que ce dernier avait abusé sexuellement des membres de l'agence pendant des décennies et que l'agence l'avait couvert. Les membres de la famille de Kitagawa également auraient su ce qu'il faisait et n'auraient rien fait pour l'en empêcher.

Dans le cadre de son enquête, l'équipe en charge du dossier a entendu 41 personnes, parmi lesquels d'anciens membres qui se sont déclarés victimes, ainsi que des cadres supérieurs de l'entreprise. L'enquête a également révélé que d'autres employés de l'entreprise avaient commis des abus sexuels. L'équipe a ajouté qu'outre les problèmes avec l'agence artistique elle-même, le silence dans l'industrie médiatique japonaise était l'un des facteurs qui ont permis à Kitagawa de continuer à abuser de ses victimes.

Allégations récentes

Le Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l'homme du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a ouvert une enquête sur les allégations d'abus sexuels contre Kitagawa et a rapporté en août que des centaines de talents de l'agence avaient été victimes d'abus sexuels. L'équipe d'enquête a également affirmé que l'environnement de travail dans le secteur du divertissement japonais permettait aux prédateurs sexuels d'agir en toute impunité.

En juin, Fumio Kishida, le premier ministre du Japon, a annoncé qu'il organiserait une réunion ministérielle portant sur la lourde thématique des abus sexuels des enfants, notamment à la lumière de ces allégations. Dans le même temps, au cours de ce même mois, les enquêtes internes menées par Johnny & Associates concernant ces présumés abus, menées par l'ancien procureur Makoto Hayashi, ont annoncé que leur priorité était de répondre aux griefs des victimes en mettant en place les moyens nécessaires évitant que de telles situations ne se reproduisent ; plutôt que de se concentrer sur l'indemnisation ou sur la recherche des fautifs et criminels. Julie Keiko Fujishima, l'actuelle présidente de Johnny's, a publié une vidéo en mai dans laquelle elle « exprimait de sincères excuses à ceux se révélant être victimes » d'abus sexuels de la part de Johnny Kitagawa, promettant des réformes de la direction à l'avenir.

Le 7 mars, la BBC a publié un documentaire d'une heure intitulé Prédateur : le scandale secret de la J-Pop, qui est une « longue histoire d'allégations d'abus sexuels, formulées par des garçons de l'agence [de Kitagawa] », et qui explique pourquoi « les médias japonais sont très largement restés silencieux ».

Le 12 avril, Kauan Okamoto, un chanteur et compositeur nippo-brésilien, a tenu une conférence de presse et a affirmé que Kitagawa l'avait abusé environ 15 à 20 fois entre 2012 et 2016, alors qu'il était encore membre de l'agence, et a déclaré qu'il connaissait au moins trois autres personnes qui avaient connu un sort similaire. « J'espère que tout le monde se manifestera car il y a un nombre scandaleux de victimes. » Okamoto faisait partie du groupe « back-up » des Johnny's Jr.

Après cette conférence de presse, un groupe de fans et d'idoles ont tenu une conférence de presse le 11 mai, déclarant qu'ils avaient envoyé une pétition à Johnny & Associates appelant la société à s'excuser et à démarrer une enquête. Le groupe a recueilli 16 125 noms depuis la publication de la pétition sur Change.org le 19 avril.

Décès de Kitagawa et allégations passées

Kitagawa est décédé en juillet 2019 à l'âge de 87 ans des suites d'une hémorragie sous-arachnoïdienne (une forme d'accident vasculaire cérébral). Fujishima est devenue la présidente en septembre 2019.

Il est né à Los Angeles mais a grandi au Japon où sa famille est retournée lorsqu'il était encore très jeune. Il a passé quelques années de son enfance aux Etats-Unis, où il est reparti par la suite. Là-bas, il a enseigné l'anglais, pour l'Armée des Etats-Unis, aux orphelins de la guerre de Corée. A son retour au Japon, il a fondé en 1962 l'agence Johnny & Associates, après avoir créé le groupe d'idoles composé d'hommes "Johnnys".

Johnny & Associates a formé de nombreux groupe masculins, parmi lesquels SMAP, Arashi, Tokio, KinKi Kids, V6, KAT-TUN, et Hey! Say! JUMP. Ils sont tous des « Johnny's ».

Kitagawa a été accusé au cours de sa carrière de harcèlement sexuel. Le magazine Shukan Bunshun a publié en 1999 un exposé sur 14 semaines détaillant les accusations d'abus et exploitations sexuelles sur mineurs. Ces accusations n'avaient toutefois abouti sur aucune plainte criminelle. Kitagawa et Johnny & Associates ont poursuivi le magazine, et cedernier a perdu le premier procès, tenu en mars 2002. Il a en revanche remporté son appel la Haute Cour de Tokyo en juillet 2003. Lors du verdict, il a été déclaré que témoignages des victimes présumées étaient « généralement cohérents » et « spécifiques, honnêtes et détaillés ». Il a également été précisé que Kitagawa n'avait « aucun contre-argument concret ni aucune contre-preuve. »

Remerciement à mdo7.

Sources : Johnny's, Variety (Patrick Frater), Tokyo Hive (Ari-Gold), BBC News (Kelly Ng, Shaimaa Khalil)


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