[Annecy 2023] Le Château solitaire dans le miroir

par Guillaume Lasvigne,
Voulez-vous définitivement définir votre édition comme Français ? oui

Deuxième et dernier film japonais présenté en compétition officielle du Festival d'Annecy, Le Château solitaire dans le miroir (Kagami no kojô) marque la résurrection de Keiichi Hara, quatre ans après sa commande Wonderland, le royaume sans pluie, mais surtout sans âme. Il faut dire que cette adaptation du best-seller littéraire de Mizuki Tsujimura, chapeautée par les équipes du studio A-1 Pictures, nous renvoie dans ses meilleurs moments à l'un des sommets de la filmographie du cinéaste, l'excellent Colorful.

Thématiquement en premier lieu. Ce fameux château du titre apparaît à Kokoro, la jeune protagoniste, à la faveur d'un petit séjour de l'autre côté du miroir de sa chambre. Point d'univers à la Lewis Caroll toutefois : passé l'accueil par une jeune fille affublée d'un masque de loup, le palais est sobre, peut-être trop, et agit en parfait cocon pour l'adolescente et ses six camarades déjà présents sur place. Kokoro est en effet une collégienne victime de harcèlement scolaire, qui va progressivement tenter de retrouver la volonté de vivre au gré des interactions avec de nouveaux amis partageant le même trauma. La contrepartie ? Cette virée fantastique ne durera qu'un an, période pendant laquelle il leur faudra trouver une clé. Celui qui la trouvera se verra ainsi exaucer son vœu le plus cher.

Comme dans Colorful, l'argument fantastique est intégré le plus naturellement du monde à la narration. Il est un élément diégétique parfaitement assumé par Hara et que les personnages et le spectateur ne questionnent jamais. Contrairement à Tunnel to Summer, the exit of Goodbyes, l'autre film japonais de la compétition, il n'est pas question ici de mettre le château en lumière, d'en surligner les règles, d'en appuyer la symbolique ou de s'en servir de pure figure de style. Il est là, point final, et le scénario de Miho Maruo, fidèle de Keiichi Hara depuis… Colorful, reflète parfaitement cette démarche. Car c'est bien l'humain qui intéresse avant tout le réalisateur et sa scénariste, si bien que les enjeux et les mystères entourant les personnages et leur environnement ne seront véritablement abordés que dans le dernier tiers du film.
On pourra toujours débattre des longueurs occasionnées par ce parti-pris dans une première moitié bavarde et portée par une mise en scène en retrait. Si celles-ci sont nombreuses, le long-métrage y gagne paradoxalement dans l'attachement porté aux personnages et dans un suspens occasionnant d'angoissantes ruptures de ton. Mention spéciale pour le climax porté par quelques séquences particulièrement oppressantes et rappelant la noirceur ponctuelle d'Un été avec Coo ou… Colorful, oui, toujours.

Au final, s'il n'atteint pas la puissance émotionnelle de ses chefs-d'œuvre (dont Colorf… oui bon, vous avez compris), Keiichi Hara nous revient avec cette sensibilité et cet humanisme qui en faisaient la substantifique moelle. Bref, nous aurons l'occasion de reparler du film à l'occasion de sa sortie dans les salles françaises le 13 septembre prochain, avec notre interview du cinéaste !

Note :


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